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jeudi 29 mars 2012

Tours : « Royer, le candidat qui sent la frite »


Histoire : retour sur la campagne de Jean Royer pour l’élection présidentielle de 1974.

 

Une femme effectue un strip-tease lors d’un meeting du candidat à l’élection présidentielle Jean Royer, le 26 avril 1974 à Toulouse. Ph. DR

 

Le maire de Tours, candidat de « l'ordre moral », tente sa chance en 1974. Rapidement, il va susciter la moquerie de ses adversaires par son style vieillot et ses grosses maladresses.

 

«Royer, c’est l’homme politique de Pierre Bellemare et de Michel Sardou, un président qui sent la frite ». La formule, parue dans le journal Libération du 17 avril 1974 est terrible. Mais elle dit bien ce que pense une partie de l’électorat, pour qui ce candidat est une sorte de Pétain sorti de la naphtaline. Ministre du Commerce et de l’Artisanat, puis ministre des Postes et Télécommunications, Jean Royer (né à Nevers en 1920), démissionne de son poste à la mort de Pompidou. Il se lance alors dans une incroyable course à la présidentielle. En représentant l’« ordre moral » envers et contre tous.

Le candidat anti-pornographie

 

L’ancien professeur a des allures de prêtre dans ses spots de campagnes. Aux jeunes des années 70 qui rêvent d’amour et d’eau fraîche, il propose « l’amour du travail » comme idéal. On peut comprendre le décalage. « Je veux réhabiliter le travail manuel en développant l’enseignement alterné dans les classes », explique-t-il dans un de ses clips officiels. Le candidat veut aussi « mieux rémunérer les emplois manuels, les plus pénibles, afin de limiter l’immigration étrangère dans notre pays ». En pleine période de révolution sexuelle, Jean Royer a le culot d’affirmer une candidature moraliste et austère. Il condamne l’homosexualité, et dans sa ville de Tours, il interdit certains films jugés trop osés et oblige les cinémas à un affichage minimal des films pornographiques. On l’appelle alors « le père La Pudeur ».

Le terrible meeting de Toulouse

 

Lors de son meeting dans la « ville rose », Jean Royer fait face à la jeunesse de gauche, totalement déchaînée. Son discours – sur l’Education nationale – est perturbé du début à la fin par des militants qui l’insultent et qui, bras dessus bras dessous forment une grande vague au milieu de la salle. « Une seule solution, la masturbation », crient les manifestants, souvent barbus et débraillés. Sous les crépitements pervers des photographes, sous l’œil rigolard des caméras de télévision, une jeune femme danse les seins nus pour provoquer le candidat. Ambiance de foire totalement surréaliste… Royer ne se démonte pas et se dit prêt à affronter ses opposants les mains nues ! « Ce soir-là, j’étais devant mille gauchistes armés de chaînes et de barres de fer », témoigne-t-il peu après à la télévision.

Contre l’avortement

 

Connu aussi pour son opposition viscérale à toute loi libéralisant l’avortement, le maire de Tours se positionne à l’extrême droite de l’échiquier politique. À Rennes, une fois de plus devant des jeunes hilares, il prend la défense « de l’embryon humain » et invite les hommes « à se maîtriser » dans leur vie sexuelle ! À contre-courant décidément dans tous les domaines, il propose de relancer la France dans la production de charbon en rouvrant les mines (discours de Lille).
Le soir du 1 er tour, il recueille 3,17 %. Pour empêcher la constitution d’un gouvernement « socialo-communiste qui priverait les Français de leurs libertés et qui installerait un état bureaucratique totalitaire », il appelle à voter Giscard. Après son échec à la présidentielle, il se consacrera à sa ville de Tours où il sera continuellement réélu maire jusqu’en 1995. Il est décédé en mars dernier.


Article paru dans Le Bien Public du 30.01.2012

 

4 commentaires:

  1. PAF! Et dire qu'on va se coltiner sa statue place de la Liberté...

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    1. @Matfanus

      Ah oui, c'est vrai. Remarque le départ ou l'arrivée de la marche des Fiertés LGBT pourra se faire sur cette place.

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  2. J'avais vu cette vidéo, le décalage avec ses propos m'avait bien amusé !

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