La victime est aisée financièrement et également propriétaire à
Ruillé sur Loir. Arrivé de la Sarthe dans la journée du 12 juin, Mr
Guillotin a été vu effectuant quelques courses dans Tours et traversant
la Loire pour se rendre à son domicile tourangeau. On ne le reverra plus
vivant.
Très vite, les soupçons se portent sur le cousin de Mme Guillotin.
On aurait, effectivement, aperçu Paul Houssard (28 ans), en compagnie de
la victime le soir du 12 juin. De plus la rumeur fait de ce propriétaire
du prieuré de Luynes, l'amant de Mme Guillotin (1).
Paul Houssard est arrêté le 6 juillet. Une reconstitution est opérée. Le présumé coupable, menottes aux mains , entouré de policiers, est
emmené dans Tours.
Le cortège passe devant le Grand Bazar, rue
Nationale, passage Richelieu, place Choiseul. Houssard ne dit
pratiquement rien sur ces différents lieux mais s'insurge du spectacle
qui est donné aux nombreux curieux qui suivent ce déplacement.
Furieux, Houssard écrit une lettre au juge d’instruction pour
s’indigner : "Je ne saurais trop m’élever contre l’exhibition, aussi
scandaleuse qu’inutile, à laquelle vous m’avez contraint en me faisant
promener dans la rue la plus fréquentée de Tours, menottes aux mains. Ce
n‘est pas en usant à mon égard de tels procédés que vous me forcerez à
dire ce que je ne veux pas dire. Nous ne sommes plus au temps où l’on
traînait les gens au pilori pour les faire insulter et bafouer par la
populace. Je suis décidé à ne plus me prêter à une si odieuse comédie".
La presse admet que cette mesure d’instruction est plus que blâmable.
Un peu plus tard, Mme Guillotin est arrêtée : elle aurait confié à
une amie que son cousin avait déjà tenté de tuer son mari. Aussitôt
Houssard se déclare le seul coupable et écrit : "J’ai appris qu’une
innocente était aussi arrêtée, je vous dois des aveux. C’est moi qui ai
tué Mr Guillotin. Je me suis ensuite rendu à Ruillé et, en passant
à la Chartre, j’ai jeté mon revolver dans la rivière. Mme Guillotin
n’est absolument pour rien dans le crime. Mettez-la en liberté et faites
de moi ce que vous voudrez. J’affirme, une fois de plus, que j'adorais
ma cousine mais que je n'ai jamais eu de relations intimes avec elle."
Un non-lieu est prononcé vis-à-vis de Mme Guillotin. Paul Houssard
comparaîtra donc seul le 28 mars 1912 devant les Assises. Les
journalistes parisiens sont nombreux à assister au procès et une grande
partie de la foule qui se presse ne pourra entrer.
L'acte d'accusation, que Houssard écoute calmement, tente d'établir
la préméditation du fait des relations de l'accusé avec sa cousine et de
l'achat en août 1909 d'un révolver que l'accusé déclare avoir perdu et
qui n'a pas été retrouvé. On sait que Houssard s'exerçait au maniement
de son arme dans un tir qu'il avait installé chez lui et on découvre
qu'une planche en bois, dans laquelle plusieurs balles sont encastrées,
porte des bavures identiques à celles qui tuèrent Guillotin.
L'absence de Mme Guillotin à l'audience ne permettant pas de
progresser, le renvoi est alors ordonné et un mandat d'arrêt est lancé
contre la femme.
Trois mois plus tard, l'affaire revient devant
les Assises, exactement le 26 juin. Le public est aussi dense qu'en mars
et les journalistes encore plus nombreux. On y voit même Alfred Capus,
l'auteur dramatique et Colette, dont on peut lire les comptes rendus
d'audience dans son livre : Contes des mille et un matins.
Houssard parait beaucoup plus abattu que la première fois. Mme
Guillotin est présente en tant que partie civile mais considérée comme
témoin. Le procureur, retenant la préméditation, réclame la peine de
mort. Son avocat réplique : "Il est impossible que Houssard aille au
bagne tandis que Mme Guillotin vivra libre, riche, honorée,
heureuse." Le jury retenant les circonstances atténuantes, Houssard sera
condamné à 20 ans de travaux forcés et la partie civile déboutée !
(1) "Une femme dont la passion criminelle condamne à mort le
mari dont la seule présence s'oppose à son bonheur et dont la
haine a assez de persuasive efficacité pour décider l'amant à
l'acte abominable : tel est l'aspect romantique et odieux que prend décidément l'affaire." (Le Figaro, 1er septembre 1911)
Sources :
Le Petit Journal N° 17989 du 28 mars 1912
Le Magazine de la Touraine N° 45 du 1er avril 1993
Grands Procès de Touraine - Ph. Dubreuil-Chambardel Éditions C.L.D.
rooo le copier/coller
RépondreSupprimer@Matfanus
SupprimerOuais. Même pas honte.
Très bon ! Et je suis sûr que les personnes qui habitent cette maison ne savent même pas ce qu'il s'est passé ici !
RépondreSupprimerVa savoir.
SupprimerLa femme est le centre de tout...Ah, la libido...Merci pour ce récit.
RépondreSupprimerIl faut acheter "Les grandes affaires criminelles de la Touraine". C'est un vrai régal. Au choix : le bagne ou la guillotine !
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