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lundi 8 octobre 2012

Qui êtes-vous Mr Edouard Vaillant ?



 « La Commune l’avait saisi tout entier », écrit de lui dans les colonnes du journal, Marcel Cachin, directeur de l’Humanité, ce 21 décembre 1915, jour de l’enterrement d’Édouard Vaillant, alors qu’à quelques centaines de kilomètres de là l’on se massacre entre Français et Allemands depuis plus d’un an. Mais Vaillant, à la Commune de Paris de 1871, cela aura été moins le fusil et la barricade – même s’il s’est engagé au 88e bataillon de la garde nationale au moment du siège de Paris par les troupes prussiennes de Bismarck –, que l’école gratuite, laïque et obligatoire.

Vaillant est l’un des intellectuels de la Commune. Ancien interne au lycée privé Sainte-Barbe à Paris (1848-1857), il obtient son baccalauréat « ès sciences » à l’âge de dix-sept ans. Il entre à l’École centrale et en sort en 1862 avec le diplôme d’ingénieur des arts et manufactures. Il poursuit ses études, prépare une thèse de médecine et une autre de science. Docteur en médecine, en 1866, il part faire des études de philosophie de l’autre côté du Rhin. Il en revient au déclenchement de la guerre de 1870. Il assiste au congrès de Lausanne et adhère à l’Association internationale des travailleurs fondée par Marx.

Il prend part à l’insurrection parisienne du 4 septembre 1870, devient membre du comité de défense constitué par la section française de l’Association internationale des travailleurs, membre du comité central des vingt arrondissements parisiens, contribue à la création de la Ligue de défense à outrance (novembre 1870) et il est l’un des promoteurs de la réunion générale de la garde nationale. C’est à cette époque qu’il noue des relations avec Blanqui, dont il deviendra un fidèle admirateur. Face aux hésitations et aux atermoiements de certains, il s’affirme comme l’un des dirigeants les plus déterminés de l’insurrection parisienne. Le 5 janvier 1871, il est des quatre rédacteurs de l’Affiche rouge qui appelle à la formation de la Commune de Paris.

Le 21 avril, il devient le délégué à l’enseignement de la Commune. Dès le 23, il décide de s’entourer de « toutes les personnes qui ont étudié la question de l’enseignement intégral et professionnel » et associe à son activité le peintre Gustave Courbet, l’écrivain Jules Vallès, le militant laïque Jules Miot, l’instituteur Augustin Verdure et le poète et chansonnier Jean-Baptiste Clément. La commission se préoccupe avant tout du recrutement des maîtres du primaire, avec le souci de libérer les écoles communales de la poigne de fer du clergé. Dans une circulaire adressée aux municipalités de la capitale, Vaillant y précise bien qu’« il est essentiel surtout qu’il soit pourvu dans les écoles communales et dans un bref délai au remplacement du personnel religieux par un personnel laïque très actif et très dévoué ».

L’idée laïque est très forte chez les Communards. Ainsi, la commission à l’enseignement de la mairie du 20e arrondissement de Paris propose à « l’autorité 
les dispositions suivantes » : « L’enseignement public est délivré de tout ce qui est contraire à sa sincérité, à sa loyauté, à sa véracité (…). L’enseignement religieux demeure exclu dans l’enseignement public. » Le 16 avril 1871, le 3e arrondissement, après avoir chassé tous les congréganistes des écoles de l’arrondissement informe les parents d’élèves « qu’à l’avenir toutes les fournitures nécessaires à l’instruction seront données gratuitement ». La mairie du 10e prévient le public que « tous les enfants de six à quinze ans, quelles que soient leur nationalité et la religion qu’ils professent, seront admis » à l’école. Pour autant, le projet a bien du mal à s’appliquer. C’est ainsi que dans ses Mémoires d’un communard, Jean Allemane raconte qu’à l’école des filles de la rue des Bernardins, « des mégères envahissaient les classes, se ruaient sur les institutrices, leur relevaient les jupes, les fouettaient jusqu’au sang. Et cela pour la plus grande gloire de la sainte religion ».
Vaillant a en outre deux autres préoccupations. Il entend multiplier les écoles de filles et veut rénover le contenu de l’enseignement, l’ouvrir à la formation aux techniques modernes. De sa formation d’ingénieur et de sa fréquentation de l’Association internationale des travailleurs, il en tire l’idée de mettre sur pied un enseignement polytechnique. Pour lui, l’école doit assurer « à chacun la véritable base de l’égalité sociale, l’instruction intégrale à laquelle chacun a droit, et lui facilitant l’apprentissage et l’exercice de la profession vers laquelle le dirigent ses goûts et ses aptitudes ». Dès le 6 mai, le délégué à l’enseignement fait placarder sur les murs de la capitale un avis annonçant que, dans un établissement jusque-là tenu par les jésuites et possédant l’équipement nécessaire, ouvrira la première école professionnelle. Le 21 mai, l’ouverture des portes est annoncée pour le lendemain au no 18 de la rue Lhomond, dans le 5e arrondissement. Elle ne se fera pas. Ce jour-là les versaillais entrent dans Paris.
Vaillant parvient à s’enfuir, gagne Londres où il siège au Conseil général de l’Internationale. Le 22 juillet 1872, Vaillant est condamné à mort par le conseil de guerre de Versailles. Entré en relation avec Marx, il commence à être influencé par le marxisme qui va supplanter le proudhonisme, jusque-là prédominant dans ses idées sociales. En 1880, après l’amnistie, il revient à Paris et fonde avec Blanqui le journal Ni Dieu ni maître ! En 1884, il est élu conseiller municipal de Paris pour le quartier du Père-Lachaise puis, en 1889, député du 20e arrondissement, siège qu’il occupera jusqu’à sa mort. De l’affaire Dreyfus à la déclaration de guerre, en 1914, il sera l’adepte d’un socialisme radical avant de s’égarer, lui aussi, dans les marécages de l’union sacrée en faveur de la guerre, après l’assassinat de Jaurès.
Ingénieur, docteur en médecine, philosophe, cet intellectuel de la Commune voyait dans l’école « la véritable base de l’égalité sociale ». 
Il voulait multiplier les écoles de filles.

Article paru  dans l'Humanité.fr le 2.08.11

Rue de Paris - Aujourd'hui Édouard Vaillant 


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